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samedi 7 mai 2005.

Jean-Luc Dehaene : "Ce traité est autant social que libéral"

Propos recueillis par Thomas Ferenczi

mercredi 18 mai 2005, par Thomas Ferenczi


Voir en ligne : Site Oui à la constitution.

Ancien premier ministre belge, député européen démocrate-chrétien, M. Dehaene a été vice-président de la Convention chargée d’élaborer la Constitution, au côté de Valéry Giscard d’Estaing.

- « Il n’y a pas d’autre solution que l’Union »
- "La Constitution est un progrès. J’invite tout le monde à sauter le pas et à l’adopter"
- "L’utopie révolutionnaire est en train de tuer l’utopie européenne"

Etes-vous surpris des difficultés que rencontrent les partisans du oui en France, mais aussi aux Pays-Bas qui voteront le 1er juin ?

Je ne suis pas surpris qu’un référendum provoque ce genre de difficultés. Partout où il y a un référendum, le débat finit par porter sur tout sauf sur l’objet du référendum.

C’est pourquoi j’ai combattu l’idée en Belgique. J’ai toujours dit à ceux qui considèrent cette procédure comme le nec plus ultra de la démocratie, en particulier chez nous les libéraux, qu’ils se trompent.

Là où la voie normale de la procédure parlementaire a été choisie, on constate un assez grand consensus pour dire que le traité constitutionnel, même s’il est le résultat d’un compromis, contient des dispositions importantes dont l’Europe a besoin au moment où elle se réunifie et où elle affronte un monde globalisé.

Les parlements nationaux sont plus raisonnables que les électeurs ?

Les opinions publiques réagissent à court terme, alors que le traité constitutionnel se place dans une perspective à moyen ou à long terme.

En France, le référendum est perçu comme une consultation tardive sur l’élargissement et sur les incertitudes qu’il fait peser en termes d’immigration ou de délocalisations. L’adhésion de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal a donné lieu il y a vingt ans aux mêmes craintes et aux mêmes argumentations.

La responsabilité des dirigeants politiques est de considérer les évolutions à long terme et de dire que l’intégration de ces pays dans l’Union est le meilleur moyen d’accélérer leur développement. Mais je comprends le mal-vivre de ceux qui s’inquiètent, à court terme, de l’élargissement et préfèrent s’en tenir à ce qu’ils connaissent.

Au-delà de l’élargissement, les opposants contestent l’organisation même de l’Europe, et dénoncent la troisième partie du traité comme trop libérale ?

La 3ème partie est celle qui contient le moins de nouveautés, elle codifie les dispositions existantes.

Il aurait été préférable que le traité se limite aux deux premières parties et que la troisième, qui porte sur les politiques appliquées, puisse être modifiée, en fonction de l’évolution, par un accord entre le Parlement, la Commission et le Conseil, sans ratification.

Mais il n’y avait pas de majorité en ce sens à la Convention. Pour moi, ce traité est autant social que libéral. Comme les précédents, il définit les règles d’un marché unique.

Une des raisons pour lesquelles les règles économiques avancent plus vite que les règles sociales, c’est que les premières peuvent être adoptées à la majorité qualifiée, alors que les secondes doivent l’être à l’unanimité.

Mais, de toute façon, le changement technologique et économique est toujours plus rapide que le changement politique, social, environnemental, qui vient après coup pour le corriger.

Ce que vous appelez les politiques appliquées ne sont-elles pas surtout libérales ?

Quand on dit que la Constitution est trop libérale ou qu’elle n’est pas assez sociale, on se réfère à un libéralisme et à un socialisme dépassés, liés à la société industrielle.

Or nous évoluons à grande vitesse vers une société différente, à la fois informatisée et globalisée. Les modèles sociaux d’autrefois ne sont plus adaptés. Il faut un autre mode d’organisation.

L’Europe nous oblige précisément à nous adapter. Ceux qui sont restés les deux pieds dans le passé parlent de régression sociale ; moi, je parle d’adaptation aux réalités nouvelles.

Ce n’est pas en se crispant sur les modèles passés qu’on arrêtera l’évolution.

Les nouveaux Etats adhérents, qui partaient de zéro après un demi-siècle de communisme, donnent l’exemple.

Ils ont introduit des réformes qui provoquent beaucoup de réticences chez nous. On les qualifie quelquefois d’ultralibérales parce qu’on les compare au modèle de la société industrielle, mais elles procèdent d’un changement nécessaire.

Croire qu’on y échappera en défendant jusqu’à la mort le modèle ancien est une erreur.

N’était-ce pas une erreur de donner au traité le nom de Constitution, au risque de conforter l’idée d’un texte "gravé dans le marbre" ?

Juridiquement, il ne l’est pas plus que les textes antérieurs. Je préfère parler d’un traité à contenu constitutionnel.

On a toujours tendance, dans l’Union européenne, à anticiper les changements à venir pour tenter de créer une dynamique. Quand on a annoncé la création du marché commun, au début des années 1960, on n’a pas commencé à le faire tout de suite, il a fallu 20 ans pour arriver au marché unique, et on n’y est pas encore tout à fait.

A Maastricht, on a créé un pilier consacré à une politique étrangère commune, alors que tout le monde savait qu’elle n’existait pas.

Jacques Delors lui-même a dit que c’était jeter du sable aux yeux des gens qui verraient tout autre chose sur le terrain. L’utilisation du mot de Constitution relève de cette méthode.

En cas de non français, peut-il y avoir une renégociation du traité constitutionnel ?

Le grand problème, en cas de rejet français, est que les motifs pour le NON sont tellement diffus qu’aucun leader ne pourra expliquer pourquoi le non a gagné et ce qu’il faudrait faire pour que le oui l’emporte.

Quant à ceux qui appellent à voter non en affirmant au préalable qu’ils sont des européens convaincus, ils me font penser à ceux qui commencent une discussion sur la présence des étrangers dans leur pays en disant : "Moi, je ne suis pas raciste." Mais la suite montre qu’ils le sont.


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