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Et un, et deux, et trois 0... Paris : 0, Londres : 3.

JO 2012, la France et son "modèle" en panne d’attractivité ?

La France marque contre son camp, avec le NON au référendum, la grève du 10 mars, les petites phrases de Chirac...

mercredi 6 juillet 2005, par Laurent Simon

Après le Non français au référendum, l’échec du Conseil Européen sur le budget, voici donc ce qui apparaîtra sûrement comme le troisième échec français par rapport à la Grande Bretagne de Tony Blair, qui vient d’être réélu dans son pays [1], et de prendre la Présidence de l’Union...

La candidature de Paris était très bien positionnée, avec des atouts très forts, de l’avis quasi unanime. Le budget était nettement moins élevé que celui de Londres [2], selon le souhait affiché par le CIO. Les sportifs étaient à 10 minutes à pied du lieu des épreuves, la plupart des équipements existaient...

Le dossier Parisien avait fait l’objet d’éloges de la part de l’équipe chargée de l’étude des candidatures, les fêtes et manifestations organisées (Champs Elysées, Stade de France, etc.) avaient confirmé le soutien massif des Français (85%) à cette candidature. Le film de Luc Besson avait ému les membres du CIO [3], la prestation devant les membres du CIO et les questions tout cela s’était très bien passé...

La démarche "agressive" de Londres, en dépit des règles établies (ne pas aller voir les membres du CIO sans qu’ils ne l’aient demandé), avait fait l’objet de plusieurs avertissements de ce CIO selon David Douillet [4]. Et un authentique esprit d’équipe avait animé les responsables de cette candidature, sans qu’il n’y ait cette fois la fausse note donnée par ce Français en quête de vengeance, qui avait détourné plusieurs votes contre "Paris 2008"... [5]

Et les applaudissements du 6 juillet matin avaient semblé plus nombreux pour Paris que pour les autres... [6]

N’en jetons plus, l’erreur est ailleurs !

N’est-ce pas en quelque sorte une redite des applaudissements au Conseil de Sécurité de l’ONU, suite à la prestation de Dominique de Villepin ? Les applaudissements sont un indicateur, mais ces succès d’estime, ce "panache" sont loin d’être suffisants.

D’autres éléments entrent en ligne de compte, peut-être difficile de cerner précisément. Mais qui incluent incontestablement les raisons traditionnellement avancées contre les Français, que ce soit dans l’Union, en Europe, ou dans le monde ?

Par exemple :

- l’arrogance régulièrement reprochée aux Français, et particulièrement aux "élites" se déplaçant à Bruxelles pour une conférence, et qui ne réservent que quelques minutes pour les questions réponses, alors que les autres représentants prévoient au moins la moitié du temps pour cet échange avec l’assistance ? Signe pour ces Français de ce qu’ils détiennent la bonne parole, qu’ils sont fiers de présenter aux autres, mais pas dans un esprit de dialogue constructif...

- la persistance des Français à ne pas parler d’autres langues, l’accueil très froid réservé aux touristes par les parisiens (malgré l’importance des revenus liés au tourisme), et l’extraordinaire réticence à afficher dans les lieux publics des informations en anglais à destination des touristes ?

- l’incroyable cécité des (gouvernements ?) Français (dette de 1000 milliards d’euros, déficit annuel de 50 milliards, prélèvements obligatoires les plus élevés des pays développés, déficit de la Sécu de 11 milliards depuis 2 ans, dont nos enfants et petits enfants paieront l’addition...).

L’incapacité à constater que le modèle social français n’en est plus un depuis longtemps (chômage général parmi les plus élevés d’Europe, records du chômage des jeunes et des séniors)... Et malgré tout la tendance habituelle des élites Françaises à donner des leçons aux autres pays, y compris à ceux qui reviennent de loin avec les désastres vécus sous les régimes communistes...

ou des raisons dans l’actualité plus récente :

- la grève lors de la visite du Comité Olympique le 10 mars 2005, dont les syndicats nous disaient qu’elle n’allait pas jouer contre la candidature de Paris ...

Qu’en savent-ils, ces syndicalistes (français) habitués aux monopoles publics, assis sur leur sécurité de l’emploi ? Que connaissent-ils des compétitions, sinon de la surenchère entre centrales syndicales vers plus de démagogie ? Déjà Marseille avec sa grève des services de nettoiement avait perdu la Coupe de l’America, au profit de l’Espagne... Que faut-il donc aux syndicats français pour comprendre que dans une compétition très serrée tout faux pas peut jouer ? Ici 3 voix auraient suffi pour faire basculer le résultat !

Cette journée de grève maintenue aura créé à la fois le témoignage des syndicalistes français dans le film de Luc Besson et leur présence à Singapour... Ce qui montrait s’il en était besoin la singularité de la candidature parisienne, avec tous les archaïsmes de la société française !

- le NON français lors du référendum, aussi net qu’irresponsable, qui a entraîné une pause dans le processus de ratification, et privé temporairement les autres peuples et parlements de s’exprimer en faveur d’une Europe plus forte et efficace. [7].

Les représentants et "Conventionnels" Français s’étaient pourtant battus pour faire avancer le projet de Constitution, pour faire passer des évolutions significatives (comme par exemple tout ce qui concerne le rôle des services publics), souvent seuls contre les autres pays européens... Comment voulez-vous que les Européens soient reconnaissants envers les Français dans ces conditions ?

- un Président Français qui s’arcqueboute au dernier Conseil Européen (mi juin 2005) sur la PAC (essentiellement pour défendre les intérêts français, et par clientélisme électoral) et qui accuse les autres pays (dont le Royaume Uni) de se livrer à une "surenchère" dans la défense de leurs propres intérêts nationaux ?

Chirac qui ne veut pas constater qu’un budget européen constitué à 45% d’aides à l’agriculture n’est pas compatible à terme avec une Europe dynamique et préparant son avenir. D’autant que cette PAC empêche les pays du Sud de développer leurs productions agricoles [8] et qu’elle subventionne la pollution des nappes phréatiques françaises, par un usage inconsidéré d’engrais et pesticides (nous en sommes le premier consommateur européen, voire mondial)

Rappelons-nous l’époque où la France et l’Allemagne tiraient l’Europe, avec des économies dynamiques, et où le Royaume Uni était à la traîne, en voie de paupérisation, très visible depuis l’étranger. Ce temps n’est plus depuis qu’une Margaret Thatcher a tenu tête aux syndicats corporatistes anglais, et a fait voir à la Grande Bretagne l’urgence de se resaisir.

Voilà venu notre tour, mais nous n’avons pas encore compris (voir le NON net, à 55%, au référendum) que ce n’est pas l’Europe qui est responsable de nos déboires, mais bien nos piteuses politiques nationales depuis près de 30 ans.

Les autres pays voient beaucoup mieux nos difficultés, et notre "modèle" n’attire pas, il sert plutôt de repoussoir ! Consciemment ou non, cela joue forcément au détriment d’une candiature olympique !

Rappelons-nous le côté "rêve" que les Jeux représentent, et imaginons un instant ce que nous aurions fait en pareil cas au moment où la Grande Bretagne s’enfonçait dans la paupérisation ? Aurions nous voté pour Londres ? Non bien sûr !

Voyez l’éditorial "l’éclipse française" de Georges Valence, dans l’Expansion de juillet, publié juste avant cette décision du CIO, et qui sonnait comme un avertissement :

"... Longtemps la richesse naturelle, sa situation géopolitique, l’héritage de sa grandeur passée, ont donné aux Français la latitude de faire un peu moins d’efforts et un peu plus de bêtises que leurs voisins. Pour ces enfants gâtés de l’histoire, l’heure de vérité est arrivée. Depuis l’effondrement de 1940, la restauration de la puissance française était un miracle fondé sur le mensonge d’Etat du gaullisme, relayé d’ailleurs par François Mitterrand. Ce miracle a pris fin. ...

Le non à la constitution a montré au monde la vraie image de la France d’aujourd’hui : un pays fatigué, craintif, conservateur, tétanisé par la peur du chômage, bloqué dans ses certitudes ...

En tout cas, tant qu’elle n’a pas réglé ses problèmes intérieurs et remis son économie sur le chemin de la croissance, la France ne peut espérer retrouver son rôle de leader. Voilà 2 ans, à la tribune des Nations unies, un Villepin flamboyant faisait la leçon à l’Amérique. Aujourd’hui, il en est réduit à recevoir celle de Blair. ...

Les peuples vont vers le succès, et l’image de l’aveugle et du paralytique qui s’attache au couple franco-allemand lasse nos voisins, qui regardent avec envie la réussite anglaise. ...

Au temps de la république de Bonn, un ministre des Affaires étrangères se demandait « quand les Français cesseraient de voyager en première classe avec un billet de seconde. » C’est fait ! Et ils ont d’eux-mêmes changé de wagon !"

Il faudra bien finir par voir ces éléments en face, et le plus tôt sera le mieux : plus le temps passe, plus le réveil sera douloureux...

Cette défaite, une fantastique occasion de nous poser des questions salutaires !

Et si cette défaite de "Paris 2012" pouvait servir à cela, quel cadeau !

Mais cela ne suffira sûrement pas : les habitudes et réflexes jacobins, les dogmes ont la peau dure, le "peuple de gauche" et une bonne partie (jacobine, gaulliste ?) des électeurs de droite n’ont pas encore compris dans quelle ornière nous nous embourbons depuis 20 ou 30 ans. La responsabilité en incombe aux "élites" qui n’arrivent pas à se défaire de leur modèle mental étatique.

Pourtant, dans quel pays l’Etat a-t-il créé des richesses ? Un Etat obèse n’est-il pas au contraire un frein considérable ? Toutes les tentatives pour donner à l’Etat un rôle majeur n’ont-elles pas montré leurs limites, à l’est ou ailleurs ?

Quelle crise nous faudra-t-il alors vivre ? Et quels dégats cette crise causera-t-elle ? Voir Pourquoi faudrait-il que ça "pète" ? et Un NON annonciateur d’une crise majeure, genre mai 68, avant 2010 ?

Si seulement je pouvais me tromper !

En attendant, pour 2012, nos entreprises du tourisme sauront-elles proposer des "packages" Londres+Paris aux touristes du monde entier ? Après tout Paris est très proche de Londres.

Et nos grandes entreprises du BTP, passées maîtres dans la gestion de projets importants, avec respect des délais et des coûts, sauront-elles tirer parti des 27 milliards d’euros de travaux de la candidature londonnienne ? Mais la gauche et les syndicats vont-ils s’opposer à ce que des français (plombiers ?) aillent travailler à Londres (se délocaliser...) pour ces Jeux ?

Notes

[1] cette troisième élection contraste singulièrement avec notre habitude française d’alternance tous les 3 ans, depuis 25 ans. S’est-on simplement demandé pourquoi ?

[2] 6.2 milliards d’euros, versus 15.8 pour Londres 2010, le plus élevé des budgets des villes candidates

[3] Les 4 petits films anglais ’publicitaires’, ciblés ?, avec un focus sur la jeunesse, ainsi que le côté très pragmatique des Anglais ont cependant été plus efficaces que la démarche ’artistique’ de Luc Besson, plus tournée vers les stars Françaises, la ’culture’ et la grandeur (passée) de la France que vers l’avenir

[4] Il est de notoriété publique que nous Français avons beaucoup de progrès à faire en matière de lobbying, là où Anglais et pays scandinaves sont passés maîtres

[5] Les petites phrases de Chirac devant Poutine et Schröder, sur les mauvaises cuisines anglaise et finlandaise, n’ont sûrement pas arrangé la cote de la France et ont peut-être suffi à décourager 3 voix, celles qui ont fait la différence !

[6] Au 3e tour, triangulaire avec Londres et Madrid, Paris n’avait que 2 voix de plus que la capitale espagnole qui a bien failli éliminer Paris dès cette étape. Londres a eu toujours plus de voix que Paris, qui n’a eu que 21 voix au 1er tour, loin du "socle" ’sûr’ de 40 voix (voir les votes successifs).

Preuves que tous ceux qui assuraient la candidature Française de leur soutien ne l’ont pas finalement donné. Sommes-nous trop confiants ? pas assez à l’écoute de nos interlocuteurs ? assez pragmatiques et concrets ? trop tournés vers notre nombril ?

[7] Voter Non en étant contre l’Europe, c’est compréhensible. Appeler à le faire en prétendant contre toute évidence que cela permettra de "renégocier" (avec qui ?) un "meilleur" traité est une imposture. Combien de temps faudra-t-il à ceux qui se sont laissés abuser pour s’en apercevoir ?

[8] Les représentants au CIO de ces pays du Sud auraient-ils ’par hasard’ voté pour Londres ?


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