Libéral ET Social ! L’incontournable économie sociale de marché.

Accueil du site > 9. Libéral ET social > Libéralisme et État-nation

Réunion politique de la Baume - Les Ex. 24 octobre 1998

Libéralisme et État-nation

Synthèse d’un débat politique dont j’étais l’intervenant.

vendredi 20 mai 2005, par Benoît Santiano


Voir en ligne : Page personnelle de Benoît Santiano

La dynamique du libéralisme et celle de l’État-nation, bien que conflictuelles n’en restent pas moins congruentes.

Commençons par la confrontation qui semble la plus évidente.

Le libéralisme est une conception relative à la limitation du pouvoir ; son souci premier est de limiter le pouvoir de contrainte que possède tout gouvernement, qu’il soit démocrate ou non.

Cette réflexion n’émerge pas d’analyses abstraites, elle est le fruit d’une évolution historique bien réelle : le libéralisme s’enracine dans une critique radicale et violente de l’Ancien Régime.

Ce qui fait au XVIIIe siècle, le succès des idées libérales, n’est pas leur finesse d’analyse ou leur originalité, c’est l’écho qu’elles trouvent parmi la société civile.

De la même façon, le marxisme rencontrera un succès "révolutionnaire" au XIXe siècle, car critique sans concession d’un mode de production capitaliste qui sécrète une grande misère humaine.

Libéralisme et marxisme, chacun à leur façon, s’inscrivent dans une rupture radicale avec un monde ancien qu’il faut bien évidemment dépasser. Leur succès est donc d’apparaître comme une réponse à un besoin de changement qui traverse l’ensemble de la société.

Le pouvoir étatique et le libéralisme s’opposent, mais paradoxalement, ils sont intimement liés.

Même si le libéralisme prône une légitimité naturelle de la société civile par rapport à une société politique artificielle, il ne considère pas que l’État soit de trop et qu’il doit nécessairement disparaître.

L’État est essentiel à la société libérale, car il est le garant des lois et des libertés individuelles. La société civile exige un État, qui représentatif de cette société, ne pourra léser son autonomie et lui imposer son opinion. Finalement, la condition essentielle de la liberté que prône les libéraux, c’est le règne de la loi.

Le libéralisme, c’est donc tout sauf la loi de "la jungle" ou le "laisser-faire" sans restriction.

C’est en mettant en évidence ce lien entre libéralisme et besoin d’un État régulateur que nous avons introduit le débat.

Il nous est donc clairement apparu que le libéralisme de cette fin de siècle, n’est pas le simple avatar du programme initial des philosophes libéraux. C’est un ultra-libéralisme qui est en rupture avec le libéralisme classique, car étant ultra, il est sans limite et sans modération.

D’un programme politique libéral tout en retenue, visant à séparer les pouvoirs, à respecter la liberté de chacun, nous sommes passés à un programme économique où la médiation du marché est indépassable.

Non seulement cet ultra-libéralisme est en contradiction avec une vertu essentielle du libéralisme qui est la pondération, mais il l’est aussi par sa réduction absurde des principes libéraux au seul champ économique.

L’ultra-libéralisme censé marquer la "fin de l’histoire", est donc la restriction d’un programme global visant à transformer la société dans ses multiples dimensions, à un "économisme" ; ou autrement dit, l’ultra-libéralisme réduit le libéralisme au domaine économique et plus particulièrement à la libéralisation des échanges.

Ayant pris conscience des enjeux que sous-tendent le libéralisme et le néo-libéralisme, nous nous sommes entretenus des conséquences sur l’État-nation actuel, du mouvement de libéralisation économique enclenché depuis le début des années 1980.

Cette vague libérale prend la forme d’une mondialisation des échanges, qui se distingue de la phase précédente d’internationalisation des échanges commerciaux initiée par le GATT et ensuite l’OMC.

En effet, le phénomène de mondialisation, loin d’être un changement de degré de l’internationalisation des échanges commerciaux est un changement de nature.

L’internationalisation se structurait à partir des nations ; la mondialisation se pense à partir du monde, indépendamment de l’existence des États-nations.

Autrement dit, auparavant, les échanges étaient de nature inter-étatiques, dorénavant, ils sont de nature trans-étatiques.

Au fil de nos interventions, un consensus a émergé sur la mondialisation des échanges qui induit un débordement de l’État.

De nos jours existe un hiatus entre l’État régulateur et la libéralisation des échanges : l’État-providence a été construit dans le cadre d’une économie fermée, dont il pouvait commander l’évolution ; l’instauration d’une économie ouverte le prive de ses moyens d’actions traditionnels et rend aléatoire la définition de toute stratégie économique. Il existe donc un désajustement entre un pouvoir politique encore enfermé dans ses frontières et un pouvoir économique transfrontière mondialisé.

Lors de notre rencontre, des solutions ont été envisagées pour harmoniser les rapports entre libéralisme et État-nation, mais elles restent encore à bâtir :

- Réajuster l’espace politique étatique au niveau de l’espace économique trans-étatique, mais cela suppose des abandons de souveraineté et à plus long terme la remise en cause de la nation... ;

- Réintroduire des règles dans le libéralisme économique débridé que nous connaissons : taxe Tobin, réglementation voire disparition des paradis fiscaux etc. ;

- Plus largement, on retrouvera un libéralisme authentique par une reconstruction du politique (démocratie locale, fédéralisme, régionalisme... ?) et par la régulation des flux économiques qui sont l’expression d’intérêts à court terme ne pouvant pérenniser la société libérale.

Maisons-Alfort, décembre 1998

La Baume - Les Ex, lettre n°12, décembre 1998.

Orientations de lecture

AGLIETTA (Michel), Macroéconomie financière, coll. Repères, La Découverte, Paris, 1995.

CHEVALLIER (Jacques), "L’État-nation face à la mondialisation", Regards sur l’actualité, sept.-oct. 1997, n°234, La Documentation française.

FLAMANT (Maurice), Histoire du libéralisme, PUF, Que sais-je ?, n°1797, 1992.

FLOUZAT (Denise), Économie contemporaine (Tome 2) : Les phénomènes monétaires, PUF, Paris, 1995.

GUIGOU (Jean-Louis), "État, nation, territoire", Futuribles, sept. 1996, n°212.

MANENT (Pierre), Les libéraux, Hachette, Paris, 1986, La préface, pp. 9-40.

MOREAU DEFARGES (Philippe), "Incertitudes européennes et paradoxes de l’État-nation", Les Cahiers français, juillet-septembre 1992, n°257, La Documentation française.

Droits de reproduction, de diffusion...
Voir la licence de Libre Diffusion des Documents


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette