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Dette publique : ce que ne disent pas les chiffres officiels.

Extraits du rapport Pébereau.

dimanche 3 juin 2007, par Laurent Simon


Depuis peu les Français ont (enfin) entendu parler de la dette publique française : si l’on ne tient pas compte des engagements de l’Etat envers les retraites de certains fonctionnaires [1], cette dette s’élève à près de 1200 milliards d’euros, de l’ordre de 66% du PIB.

Le déficit public courant annuel, de l’ordre de 3% du PIB, s’ajoute chaque année à cette dette publique, hors diverses opérations comme les privatisations ou ventes d’immobilier par l’Etat.

A. Mais ce que ne disent pas ces chiffres (ratios du Pacte de stabilité et de croissance, ou "critères de Maastricht"), c’est la répartition entre :
- le montant lié à la "bonne dette" : l’investissement, qui est censé apporter des richesses plus tard
- et le montant lié à la "mauvaise dette", consistant à reporter aux générations ultérieures le règlement de dépenses courantes, comme le déficit annuel, malheureusement chronique, de la Sécurité Sociale, et notamment de l’Assurance Maladie. [2]

En quelque sorte c’est comme avec le cholestérol... le "mauvais", LDL, s’il est trop élevé, augmente les risques de maladies cardio-vasculaires, et le "bon", HDL, qui a au contraire tendance à limiter ces risques. Le cholestérol est de toute façon nécessaire à l’organisme humain, et vouloir le limiter aveuglément pourrait être négatif.

Il en est de même avec la dette : s’endetter pour acheter un bien immobilier est généralement un excellent moyen de s’enrichir, tandis que s’endetter pour vivre ou survivre au jour le jour est le meilleur moyen d’aggraver ses problèmes.

Un exemple de bonne dette, pour l’Etat, est celui relatif au financement d’infrastructures, comme le train à grande vitesse (TGV), dont la France est un des grands promoteurs. [3] [4] A condition bien sûr que ces investissements ne soient pas faits en pure perte, ou qu’ils soient démesurés : exemple des stades construits au Portugal pour la Coupe d’Europe de football en 2004, pour 800 millions d’euros, ce qui a contribué à alourdir la dette publique du Portugal.

Or "les administrations publiques consacrent à l’investissement une part de moins en moins importante de leurs dépenses : entre 7,5 et 8% seulement depuis le milieu des années 1990, contre 9,5% en 1978". [5]

"Ce n’est pas parce que les administrations publiques se sont mises à investir massivement que la dette a augmenté depuis la fin des années 1970. C’est au contraire parce que l’augmentation de la dette a financé autre chose que des équipements supplémentaires que les administrations publiques se sont globalement appauvries". [6]...

"Chaque année, l’Etat s’appauvrit parce qu’une partie de l’augmentation de la dette finance d’autres dépenses que l’investissement. Cette part de l’endettement qui n’a financé que des dépenses de fonctionnement et de transfert a été variable selon les années. Selon que l’on compte ou pas l’ensemble des dépenses militaires comme des investissements, elle a représenté en moyenne 40 ou 60% du déficit annuel entre 1993 et 2004."

Un des postes les plus importants de ces reports de dépenses courantes concerne l’assurance maladie.

"Jusqu’à la fin des années 1980, la Sécurité Sociale ne s’était pas endettée. La situation a radicalement changé à partir du début des années 1990. En 15 ans, la Sécurité sociale a accumulé une dette qui s’élève, en tenant compte des déficits en 2005 et 2006, à environ 110 milliards d’euros fin 2006. Cette dette provient essentiellement des dépenses d’assurance maladie.

... Jusqu’en 2020 au moins, les actifs assumeront une dette correspondant à nos dépenses courantes de santé des années 1990 à 2006. Dans le même temps ils devront faire face à leurs propres dépenses de santé. Ils paieront donc deux fois." [7]

Un autre poste important est l’assurance chômage, dont "l’endettement actuel s’élève à 14 milliards d’euros environ. Il s’est constitué entre 2001 et 2005."

B. Ces chiffres ne disent pas non plus si les investissements vont être rentables, ni à quelle échéance.

Dans le domaine des infrastructures ferroviaires, cité plus haut, la rentabilité prévisionnelle d’un tel projet serait, en moyenne, divisée par 2 entre les études préliminaires et la déclaration d’utilité publique, selon une étude du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.

"Et encore par 2 entre la déclaration d’utilité publique et la mise en service. Au total, la rentabilité constatée serait 4 fois plus faible que celle estimée au moment du lancement de la réflexion.

Il est frappant de relever que de tels biais aient été à plusieurs reprises constatés, sans que cela ait conduit à être plus rigoureux dans les critères de lancement des projets d’infrastructures publiques.

Ici encore la facilité du recours à l’endettement a permis de ne pas gérer certaines dépenses avec la rigueur nécessaire". [8]

Notes

[1] Les engagements de l’Etat envers les retraites de fonctionnaires représentent au 31 décembre 2004 entre 790 et 1000 milliards d’euros, ou selon une deuxième méthode, environ 430 milliards d’euros jusqu’en 2050, voir le rapport Pébereau, demandé par Thierry Breton, Ministre de l’Economie et des Finances

[2] "Entre 1997 et 2002, les dépenses ont augmenté deux fois plus vite qu’annoncé. (p 48 du rapport Pébereau, "La France face à sa dette", Robert Laffont)

[3] Le nombre de kilomètres de ligne à grande vitesse, rapporté à la population est le plus élevé du monde : 28,9 par million d’habitants, devant l’Espagne (22,2) et le Japon (18) ; rapporté à la surface du pays, il est de 33,6 pour 10000² km en France, en 3e position derrière la Belgique (71,3) et le Japon (60,8). Ces ratios français sont 3 fois supérieurs à la moyenne européenne.

[4] Le montant des transferts à Réseau ferré de France s’élève à 10,7 milliards d’euros, entre 1986 et 2005 (p 54 du rapport Pébereau, "La France face à sa dette", Robert Laffont).

[5] (p 63 du rapport Pébereau).

[6] "La différence entre la valeur des biens des administrations publiques et leurs dettes a été divisée par trois en 25 ans. Et encore, cela ne tient pas compte de l’engagement qu’a l’Etat de verse des retraites, dont le coût s’accroît chaque année. Si on les intégrait, la valeur nette du patrimoine des administrations publiques serait négative. (p 64-65 du rapport Pébereau)

[7] (p 68 du rapport Pébereau).

[8] (p 90 du rapport Pébereau).


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